Oneiros a encore frappé. Un joli rêve cette nuit : un rivière, une forêt, une promenade délicieuse bien qu'il n'y pleuve pas. Une présence aimée. Une conversation, les yeux dans les yeux, intense, comme celle qu'on peut avoir lorsque, de retour d'un long voyage, on a du temps à rattraper. Et des mots qui se bousculent : ceux d'un enfant qui, rentrant d'une journée d'école, a une vie entière à raconter.
Réveil tardif. La date au calendrier me saisit.
Le 11 novembre est un anniversaire qui m'est cher. Au point d'avoir souhaité que cela devienne une fête nationale et qu'on y chôme désormais ce jour-là. Chacun le constatera, mes voeux ont été exaucés (il y longtemps que je sais qu'un des secrets du bonheur — et de prestidigitation — est de savoir choisir ses désirs — et ses prédictions ).
Quoi qu'il en soit, j'aime l'idée que certains jours aient ainsi le pouvoir de changer le cours de la vie. Qu'ils soient marqués par une décision prise ou une occasion manquée, la découverte d'un livre ou une rencontre éblouissante, par un cataclysme ou un battement d'aile de papillon. Ces jours ont en commun d'abriter un hapax existentiel. Un événement qui ne se produit qu'une fois et qui est pourtant d'une importance déterminante qui coupe l'étoffe de l'existence en deux.
Mon goût de la prestidigitation me fait cultiver aussi celui du mystère, aussi ne dévoilerai-je pas l'événement qui se produisit ce jour-là. Dans la vie, comme dans la magie, certains secrets doivent être précieusement gardés. Qu'il me suffise de dire ici que c'est celui d'une rencontre, qu'il y pleuvait et que j’avais quatre ans. C'est l'âge auquel je reviens toujours quand je suis heureux. C'est aussi l'âge qu'a Rose aujourd'hui. Un âge où l'on est sensible à l'enchantement du monde, où il est délicieux de marcher pieds nus dans les feuilles mortes, de se réjouir de les entendre bruisser et de frissonner à leur contact mouillé. Un âge où l'on dessine le monde et ceux qu'on aime, où l'on brandit ses dessins comme des cadeaux. Un age où les mots jaillissent tumultueux, sans fin, et où le plaisir de découvrir le monde est aussi celui de le dire et de le partager. À quatre ans, tout est surprise. La vie elle-même n'est que la plus belle des surprises.
Bien que peu adepte de la numérologie, les chiffres qui composent cette date m'inspirent soudain. 11/ 11. N'est-ce pas une forme chiasme numérique ? Une forme particulière et remarquable où A = B où ainsi la structure habituelle ABBA, devient soudain AAAA, ou BBBB ….ou 11 / 11. Sans doute, allez vous me me dire que l'intérêt d'un chiasme réside précisément la différence des termes qui le composent. Que cette dualité crée une tension qui lui donne son charme et son sens. Et vous aurez raison. Mais il est pourtant des instants dans la vie ou cette dualité disparait. Des instants de grâce où l'on fusionne soudain avec la nature entière et avec ceux qui acceptent de partager ces moments avec vous. J'aime l'idée que ces instants puissent eux aussi être placés sous le signe du chiasme — et de la gratitude. Et je proclame que le 11 novembre est ma date sacrée pour célébrer ces moments de grâce.
Pourquoi ne pas choisir votre propre date et la marquer dans votre calendrier personnel ? Vous y cultiverez le souvenir des moments dans votre vie où vous aurez connu un bonheur hors du commun. Et cette date aura alors, comme le 11 novembre pour moi, le pouvoir de réenchanter le monde et de vous rendre le regard de vos quatre ans.
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